La conduite après usage de stupéfiants risque fort d’égaler, dans les prochaines années, la conduite sous l’empire d’un état alcoolique (CEA) en termes de volume de dossiers devant les tribunaux, notamment à La Réunion.
Cette évolution s’explique par la généralisation du kit de dépistage salivaire, qui facilite grandement les contrôles sur les routes.
L’infraction présente aujourd’hui de fortes similitudes avec celle de l’alcool au volant, tant dans le déroulement du contrôle que dans la sévérité des sanctions. Pourtant, elle est en réalité plus difficile à contester, en raison d’un cadre réglementaire qui limite l’accès effectif à une contre-expertise, opération qui s’avère essentielle pour garantir les droits de la défense.
Une infraction en apparence similaire à celle de l’alcool au volant…
À La Réunion, comme sur le territoire métropolitain, les condamnations pour alcool au volant sont encore bien plus nombreuses que les délits liés à la conduite après usage de stupéfiants. Cela s’explique simplement par la fréquence encore plus élevée des contrôles d’alcoolémie.
Selon les deniers chiffres de l’ONISR, 968 102 dépistages de stupéfiants ont été réalisés en 2023 (sur l’ensemble du territoire français), contre 8 127 665 contrôles d’alcoolémie la même année.
Bilan statistique 2023 de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière
Mais la tendance est claire : la mise en service des kits de dépistage salivaire, puis la procédure de vérification par prélèvement salivaire, ont permis une banalisation des contrôles liés aux stupéfiants.
Le déroulement du contrôle
Comme pour l’alcoolémie, le contrôle de l’usage de stupéfiants se déroule en deux temps :
- Le dépistage, qui détermine la présence éventuelle de substances illicites.
- La vérification, effectuée si le dépistage est positif, par un second prélèvement destiné à une analyse en laboratoire.
Quatre familles de produits sont concernées : cannabis, amphétamines, cocaïne et opiacés.
Le dépistage est une opération préalable permettant de déterminer si le conducteur est positif ou non aux stupéfiants. Le dépistage ne donne pas de mesure chiffrée précise, mais informe les forces de l’ordre d’une consommation illicite, ou non, de produits stupéfiants. À ce stade, il s’agit donc d’une présomption, qui ne suffit pas à elle seule pour poursuivre pénalement le conducteur, quand bien même celui-ci ferait l’aveu d’une consommation illicite.
Depuis 2016, les contrôles sont devenus plus simples et plus rapides grâce aux kits salivaires, permettant aux forces de l’ordre de procéder à des dépistages directement sur le bord de la route.
Une procédure largement étendue
Depuis la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, le contrôle pour usage de stupéfiants est :
- obligatoire sur le conducteur impliqué dans un accident mortel ou corporel de la circulation;
- possible en cas d’accident matériel de la circulation, ou d’infraction quelconque au code de la route;
- autorisé, même en l’absence d’infraction préalable, sur réquisitions du procureur de la République, ou à l’initiative d’un officier de police judiciaire.
Autrement dit, les contrôles peuvent aujourd’hui être systématiques, ce qui explique la hausse constante du nombre de procédures pour conduite après usage de stupéfiants.
Des sanctions identiques à celles de l’alcool au volant
Le conducteur positif verra son permis de conduire retenu immédiatement par les forces de l’ordre. Il recevra un avis de rétention valable 120 heures, délai pendant lequel le préfet peut prononcer une suspension administrative.
Depuis la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019, le préfet dispose en effet de 120 heures (et non plus 72) pour prendre sa décision.
Les peines encourues
Les sanctions sont identiques à celles prévues pour l’alcool au volant :
- 2 ans d’emprisonnement
- 4500 euros d’amende
- suspension ou annulation du permis jusqu’à 3 ans
- interdiction de conduire certains véhicules pendant 5 ans
- retrait de 6 points sur le titre de conduite
…Mais une infraction en réalité plus sévère
La différence majeure avec l’alcool au volant réside dans l’absence de seuil d’infraction.
Alors qu’un conducteur ne peut être poursuivi pour alcoolémie qu’à partir d’un certain taux (0,5 g/l ou 0,8 g/l), la conduite après usage de stupéfiants est punissable dès la moindre trace détectée.
Selon la Cour de cassation (Cass. crim., 14 oct. 2014, n°13-81.390), l’article L.235-1 du code de la route « incrimine le seul fait de conduire après avoir fait usage de stupéfiants », peu importe le taux relevé.
Ainsi, même si la consommation remonte à plusieurs jours et que le conducteur n’est plus sous influence, il pourra être condamné. L’élimination du THC (cannabis) étant lente, cela conduit à une multiplication des condamnations, souvent ressenties comme injustes.

La demande de contre-expertise : un droit fondamental à exercer
Face à une procédure aussi stricte, demander une contre-expertise est souvent le seul moyen de se défendre efficacement.
Cette demande est cruciale pour deux raisons :
- Elle peut permettre d’obtenir un résultat différent ou plus précis.
- En cas d’irrégularité, elle ouvre la voie à une annulation de la procédure.
La Cour de cassation a rappelé que le conducteur qui ne sollicite pas de contre-expertise ne peut ensuite invoquer une nullité de procédure. Ainsi, dans un arrêt du 22 octobre 2024, la Haute juridiction fait sienne l’analyse des juges du fond qui, après avoir reconnu une irrégularité dans la chronologie de la notification du droit à une contre-expertise (celle-ci ayant été faite avant et non après le prélèvement salivaire), valident néanmoins la procédure après avoir constaté que le prélèvement salivaire avait été fait conformément aux dispositions légales, et que le prévenu n’avait pas souhaité exercer son droit à un second prélèvement ou à une expertise, d’où il se déduit qu’il n’a subi aucun grief du fait de cette irrégularité (Cass. crim., 22 oct. 2024, n°24-80.520).
Autrement dit : ne rien demander au moment du contrôle, c’est renoncer à un moyen de défense essentiel.
Ce qu’il faut retenir :
- Les kits salivaires ont facilité les contrôles pour usage de stupéfiants.
- Le contrôle se déroule en deux temps : dépistage rapide puis vérification en laboratoire.
- Quatre familles de produits sont concernées : cannabis, cocaïne, amphétamines, opiacés.
- L’absence de seuil rend cette infraction plus sévère que celle liée à l’alcool.
- Demander une contre-expertise immédiatement est essentiel pour préparer sa défense.
Besoin d’un accompagnement à La Réunion ?
Vous avez fait l’objet d’un contrôle pour usage de stupéfiants ou d’une suspension de permis à La Réunion ? Contactez dès maintenant Maître Côme Landivier, avocat en droit pénal routier, pour une étude personnalisée de votre situation.