Depuis 2016, avec l’arrivée des kits de dépistage et de prélèvements salivaires, les contrôles routiers pour usage de stupéfiants se multiplient à La Réunion, comme partout sur le territoire. L’efficacité et la rapidité de ce type de contrôle ne doivent cependant pas rogner les droits fondamentaux du conducteur.
Très souvent, la clé de voûte de la défense des automobilistes passera par l’analyse des conditions d’information de solliciter une contre-analyse sanguine. Cette étape essentielle du contrôle routier se matérialise par un document : le « Formulaire d’information d’une personne soupçonnée d’avoir conduit après avoir fait usage de produits ou plantes classés comme stupéfiants ».
Or, de nombreux conducteurs signent ce document sans en mesurer la portée juridique, parfois sous la pression ou la précipitation du contrôle. Dans cet article, il s’agit d’expliquer que faire avec ce document, quelles cases cocher, pour vous permettre de demander une contre-expertise, et ainsi préserver vos droits à la défense.
Mais d’abord, que dit la loi?
Pour rappel, les étapes à suivre par les officiers et agents des forces de l’ordre pour procéder aux contrôles destinés à vérifier l’usage de produits stupéfiants sont au nombre de deux : le dépistage salivaire puis, si ce dernier s’avère positif, le prélèvement salivaire.
La nouvelle réglementation intégrant dans le code de la route les prélèvements salivaires, issue du décret du 24 août 2016, est venue encadrer les possibilités laissées au conducteur de solliciter une contre-expertise. Une première lecture laisse penser qu’il s’est agi d’un simple alignement sur le délai de 5 jours, applicable en matière d’alcoolémie (lorsque celle-ci est prouvée par analyse sanguine), l’article R. 235-11 du code de la route prévoyant :
« Dans un délai de cinq jours suivant la notification des résultats de l’analyse de son prélèvement salivaire ou sanguin, à condition, dans le premier cas, qu’il se soit réservé la possibilité prévue au deuxième alinéa du I de l’article R. 235-6, le conducteur peut demander au procureur de la République, au juge d’instruction ou à la juridiction de jugement qu’il soit procédé à partir du tube prévu au second alinéa de l’article R. 235-9 à un examen technique ou à une expertise en application des articles 60,77-1 et 156 du code de procédure pénale ».
Or, lorsque la vérification est opérée à partir de prélèvements salivaires, cette possibilité laissée au conducteur de solliciter une contre-expertise ne lui est permise qu’immédiatement après les prélèvements. L’article R. 235-6 du code de la route dispose en effet :
« À la suite de ce prélèvement, l’officier ou l’agent de police judiciaire demande au conducteur s’il souhaite se réserver la possibilité de demander l’examen technique ou l’expertise prévus par l’article R. 235-11 ou la recherche de l’usage des médicaments psychoactifs prévus au même article ».
L’effectivité du droit à une contre-expertise à l’épreuve du bord de la route
En pratique, c’est donc l’officier ou l’agent de police judiciaire qui demande au conducteur s’il souhaite se réserver la possibilité de solliciter une contre-expertise. Si la réponse est positive, il est procédé dans le plus court délai possible à un prélèvement sanguin.
Or, on le comprend bien, dans presque 100 % des contrôles, le conducteur n’aura pas la présence d’esprit de solliciter ladite contre-expertise, pourtant fondamentale pour la défense de son dossier.
D’abord, parce que en exigeant que le choix d’exercer son droit à contre-expertise soit donné immédiatement, c’est-à-dire de facto sur le bord de la route, au moment même du contrôle routier, il n’est plus donné au conducteur la possibilité de prendre conseil auprès d’un avocat ou tout simplement de proches.
Ensuite, parce qu’il paraît évident que les agents ou officiers de police judiciaire, n’alerteront pas les conducteurs sur les risques procéduraux à ne pas solliciter une telle expertise.
Enfin, parce que, aux termes des dispositions précitées, la contre-expertise est toujours réalisée à partir d’analyse sanguine. Cette circonstance la rend extrêmement dissuasive pour le conducteur, qui a le choix entre rentrer chez lui (s’il ne sollicite pas de contre-expertise), ou se rendre au centre hospitalier, le plus souvent en pleine nuit, escorté par deux agents, aux fins de prélèvements sanguins (s’il sollicite une contre-expertise).
En définitive, ce n’est que quelques jours après le contrôle que les résultats lui seront notifiés. Mais à ce stade, plus aucune contestation des analyses ne sera possible.
Un accès à la contre-expertise souvent peu respectueux des droits de la défense
Lors d’un contrôle routier pour usage de stupéfiants, les forces de l’ordre ont donc l’obligation d’informer le conducteur qu’il peut demander une analyse sanguine s’il souhaite se réserver la possibilité d’une contre-expertise ultérieure.
Ce droit est fondamental pour sa défense pénale à venir : il lui permet, le moment venu, de contester les résultats du dépistage initial.
Or, il n’est pas rare que les forces de l’ordre tentent de l’en dissuader, en invoquant souvent plusieurs arguments :
- L’analyse sanguine serait aux frais du conducteur ;
- La procédure serait trop longue et nécessiterait une garde à vue ;
- ou encore que les magistrats n’apprécieraient pas ce type de demande.
Il sera ici recommandé de ne pas céder à ces pressions, car la décision de solliciter une contre-expertise peut être déterminante pour la défense du prévenu et influencer directement l’issue de la poursuite pénale.
Le formulaire d’information : un document essentiel à votre défense
Très concrètement, l’obligation d’informer le conducteur se matérialise ici par un formulaire d’information. Les forces de l’ordre doivent en effet présenter au conducteur un document intitulé :
« Formulaire d’information d’une personne soupçonnée d’avoir conduit après avoir fait usage de produits ou plantes classés comme stupéfiants ».
Ce formulaire est capital.
Pourtant, il arrivera fréquemment qu’il soit pris à la légère par le conducteur soucieux de rentrer chez lui, ou pas compris – voire même pas lu – par le conducteur stressé par le contrôle qu’il vient de subir.
Par ailleurs, le formulaire est parfois de mauvaise impression, et donc peu lisible. En voici un exemplaire :

Sur ce formulaire, le conducteur devra cocher les deux cases suivantes :
- « Je souhaite me réserver la possibilité de demander l’examen technique ou l’expertise prévue par l’article R. 235-11 du code de la route » ;
- « Je souhaite me réserver la possibilité de demander la recherche de l’usage de médicaments psychoactifs prévue par l’article R. 235-11 du code de la route ».
L’absence de remise ou de signature du formulaire : une cause de nullité
Si ce formulaire n’a pas été remis au conducteur ou n’est pas mentionné dans la procédure, cela constitue une atteinte aux droits de la défense.
La jurisprudence est très claire sur ce point :
- Le conducteur qui n’a pas été mis en mesure d’exercer son droit à une contre-expertise doit être relaxé.
- De même, si le formulaire n’est pas signé ou aucune case n’est cochée, il sera possible de soulever la nullité du contrôle devant le tribunal correctionnel.
La répression des infractions au code de la route ne doit pas se faire au détriment des droits fondamentaux
Dans la volonté de sanctionner rapidement les infractions au code de la route, il arrive que l’exercice effectif des droits de la défense soit négligé.
Pourtant, l’efficacité de la répression ne doit jamais primer sur le respect des garanties procédurales.
C’est précisément le rôle de l’avocat en droit pénal routier de veiller à ce que la procédure reste régulière, équilibrée et respectueuse des droits du conducteur.
Besoin d’être assisté par un avocat à La Réunion ?
Vous avez fait l’objet d’un contrôle pour usage de stupéfiants et votre permis de conduire a été suspendu à La Réunion ? Contactez dès maintenant Maître Côme Landivier, avocat en droit pénal routier, pour une étude personnalisée de votre situation.