Confiscation du véhicule en droit routier : règles, procédure et défense du conducteur

12/11/2025

La confiscation du véhicule est aujourd’hui l’une des sanctions les plus redoutées par les conducteurs poursuivis pour une infraction au code de la route.

Elle peut conduire à la perte définitive du véhicule, qu’il s’agisse de celui du conducteur ou d’un véhicule appartenant à un tiers, avec des conséquences parfois disproportionnées.

À La Réunion, les juridictions de Saint-Denis et Saint-Pierre recourent régulièrement à cette mesure, notamment en matière d’alcoolémie, de stupéfiants ou de refus d’obtempérer.

Pourtant, la confiscation n’est pas automatique (même quand elle est obligatoire !) : elle répond à un cadre légal strict, souvent précédé d’étapes préalables comme l’immobilisation ou la mise en fourrière du véhicule.

I. Le cadre légal de la confiscation du véhicule

La confiscation du véhicule est une peine complémentaire prévue à l’article 131-21 du code pénal, applicable dès lors que la loi l’autorise.
En matière de circulation routière, plusieurs textes du code de la route la prévoient expressément, notamment :

  • L. 234-12 : conduite sous l’empire d’un état alcoolique ;
  • L. 235-5 : conduite après usage de stupéfiants ;
  • L. 224-16 : conduite malgré suspension ou annulation du permis ;
  • L. 324-2 : conduite sans assurance ;
  • L. 233-1 et L. 233-2 : refus d’obtempérer à une sommation de s’arrêter.

II. Les mesures d’immobilisation, de mise en fourrière et la confiscation : trois régimes distincts

Il convient de distinguer la confiscation du véhicule, qui est une sanction pénale définitive, des mesures administratives provisoires d’immobilisation ou de mise en fourrière.

Ces trois mécanismes ne relèvent ni du même fondement juridique, ni de la même autorité décisionnelle, et la confiscation peut intervenir indépendamment des deux autres mesures.

1. La confiscation : une peine pénale entraînant la perte du droit de propriété

À la différence de l’immobilisation administrative, la confiscation du véhicule est une peine complémentaire prononcée par le juge pénal (articles 131-21 du Code pénal et L.234-12, L.235-5, L.324-2 du Code de la route).

Lorsqu’elle est décidée, cela signifie que le magistrat estime que la peine principale (amende, suspension ou annulation du permis, voire emprisonnement) n’est pas suffisante pour prévenir la récidive.

Le conducteur est alors définitivement privé de son droit de propriété sur le véhicule, sans indemnisation.

Le bien est transféré à l’État et remis au service des Domaines, qui peut :

  • le vendre aux enchères,
  • le détruire,
  • ou l’affecter à un service de police ou de gendarmerie.

La confiscation constitue donc une atteinte patrimoniale grave, réservée aux cas où le juge considère la gravité des faits comme incompatible avec la conservation du véhicule.

2. L’immobilisation du véhicule : une mesure administrative temporaire

L’immobilisation est prévue par l’article L. 325-1 du code de la route.

Elle consiste à empêcher tout déplacement du véhicule (par sabot ou retrait des clés) et peut être décidée immédiatement par les forces de l’ordre lorsqu’une infraction grave est constatée, notamment :

  • conduite sous l’empire d’un état alcoolique ou après usage de stupéfiants,
  • défaut de permis ou conduite malgré suspension,
  • refus d’obtempérer.

Cette mesure vise à prévenir un danger immédiat pour la sécurité publique.

Elle n’implique pas nécessairement une confiscation ultérieure : le véhicule peut être restitué après la levée de la mesure ou, à l’inverse, faire l’objet d’une décision judiciaire de confiscation si la procédure pénale le justifie.

3. La mise en fourrière : une mesure de rétention matérielle

La mise en fourrière, également prévue par l’article L. 325-1 du code de la route, intervient souvent à la suite d’une immobilisation, mais peut aussi être décidée directement, sans immobilisation préalable.

Elle permet de déplacer et conserver le véhicule dans un lieu sécurisé, le temps que l’autorité administrative ou judiciaire statue sur son sort.

La mise en fourrière est généralement décidée :

  • lorsque le véhicule fait obstacle à la circulation,
  • en cas de refus d’obtempérer,
  • ou lorsque le conducteur n’est pas en état de reprendre la route (alcoolémie, stupéfiants, suspension de permis).

Comme pour l’immobilisation, la mise en fourrière n’entraîne pas automatiquement la confiscation.

Cependant, elle facilite l’exécution d’une décision judiciaire ultérieure, en conservant le véhicule sous contrôle jusqu’à la décision du juge.

4. Trois régimes autonomes, mais parfois successifs

Il est donc essentiel de rappeler que :

  • L’immobilisation et la mise en fourrière sont des mesures administratives temporaires, décidées par les forces de l’ordre ou le préfet ;
  • La confiscation est une sanction pénale définitive, décidée par le juge correctionnel ;
  • Ces mesures peuvent se cumuler, mais aucune ne conditionne juridiquement l’autre : un véhicule peut être confisqué sans avoir été immobilisé ni mis en fourrière, et inversement.

Ainsi, un conducteur peut être poursuivi pour conduite sous stupéfiants sans qu’aucune immobilisation n’ait été décidée lors du contrôle, mais voir son véhicule confisqué à l’audience en raison de la gravité des faits ou d’une récidive.

Cour d'appel délit routier

III. Confiscation obligatoire ou facultative selon les infractions

Le juge ne prononce pas la confiscation de manière uniforme : selon les textes, elle peut être obligatoire ou facultative.

➤ Confiscation obligatoire

Elle s’applique de plein droit en cas de récidive de :

  • conduite sous l’empire d’un état alcoolique (article L. 234-12, al. 2 du code de la route),
  • conduite après usage de stupéfiants (article L. 235-5 du même code).

Dans ces situations, la confiscation constitue une sanction obligatoire, mais non automatique, C’est dire qu’elle peut être écartée par une motivation spéciale du juge.

La Cour de cassation exige que cette motivation soit précise et individualisée (Cass. crim., 16 mars 2016, n°15-83.959).

C’est ici que le rôle de l’avocat en droit pénal routier sera déterminant.

➤ Confiscation facultative

Dans les autres cas (alcool, stupéfiants sans récidive, conduite sans assurance, refus d’obtempérer), la confiscation relève de l’appréciation du juge.

Elle doit être motivée au regard de la gravité des faits et de la situation personnelle et professionnelle du conducteur.
Une motivation insuffisante entraîne la nullité de la peine complémentaire (Cass. crim., 27 févr. 2018, n°17-83.836).

IV. La situation des véhicules appartenant à un tiers

1. Le principe : seule la confiscation du véhicule du conducteur fautif est possible

En droit routier, la confiscation du véhicule ne peut viser, en principe, que le bien appartenant au conducteur fautif. Ce principe découle directement de l’article 131-21, alinéa 6 du code pénal, qui dispose que :

« La confiscation ne peut être ordonnée qu’à l’encontre du propriétaire du bien, sauf dans les cas où le tiers propriétaire ne pouvait ignorer l’usage qui en serait fait. »

Ainsi, dans la très grande majorité des cas, le véhicule d’un tiers de bonne foi — un conjoint, un parent, une entreprise, une société de location — ne peut pas être confisqué, même si c’est avec ce véhicule que l’infraction a été commise.

Le juge doit, avant toute décision, vérifier la propriété effective du véhicule, souvent établie par le certificat d’immatriculation mais, au delà, tous autres documents justificatifs : certificat de cession, preuves d’achat, d’entretien, d’assurance automobile etc.

2. L’exception : la mauvaise foi ou la complicité du tiers propriétaire

La loi prévoit toutefois une exception importante à ce principe protecteur. La confiscation peut également viser le véhicule appartenant à un tiers, si ce tiers :

  • a participé à l’infraction, en tant que complice,
  • ou ne pouvait ignorer l’usage délictueux qui serait fait de son véhicule.

Cette hypothèse est prévue par le même article 131-21, alinéa 6 du code pénal, et régulièrement confirmée par la jurisprudence.

Ainsi, la Cour de cassation a admis que la confiscation du véhicule appartenant à un tiers est légitime lorsque celui-ci a volontairement prêté son véhicule à une personne en état d’ivresse, ou lorsqu’il a toléré un usage manifestement dangereux (Crim., 7 décembre 2016, n° 15-85.242).

De même, la Haute juridiction a validé la confiscation d’un véhicule appartenant à un employeur, lorsque celui-ci avait connaissance des infractions répétées commises par son salarié au volant du véhicule de société (Crim., 9 janvier 2019, n° 18-82.255).

En revanche, lorsqu’aucun élément ne démontre la mauvaise foi du tiers, la confiscation doit être écartée : dans une décision du 20 septembre 2017 (n° 16-86.293), la Cour de cassation a cassé un arrêt qui avait ordonné la confiscation d’un véhicule appartenant à un tiers sans caractériser sa connaissance de l’usage délictueux du véhicule.

3. Cas particuliers : véhicules loués, prêtés

Dans la pratique, plusieurs situations méritent une attention particulière :

  • Véhicule de location : les sociétés de location conservent la propriété juridique du véhicule ; la confiscation ne peut donc être ordonnée qu’à leur encontre si elles ont sciemment laissé un conducteur l’utiliser à des fins illégales.
    En pratique, la confiscation est très rare dans ces hypothèses, les sociétés justifiant aisément leur bonne foi.
  • Véhicule prêté ou familial : lorsqu’un conjoint, un parent ou un ami prête son véhicule, il ne peut être tenu responsable que s’il avait connaissance de la dangerosité manifeste du conducteur, par exemple un permis suspendu ou un état alcoolique évident.

4. L’hypothèse du véhicule de société

Le principe posé par l’article 131-21 du code pénal est clair :

« La confiscation d’un bien ne peut être prononcée que s’il appartient au condamné. »

Autrement dit, un véhicule appartenant à une société et non directement au conducteur ne devrait pas être confisqué, même s’il a servi à commettre l’infraction (par exemple, une conduite sous l’emprise de stupéfiants ou un refus d’obtempérer).

Dans un arrêt récent en date du 4 septembre 2024 (n° 23-81.110), la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue apporter une précision importante, en censurant une décision qui avait ordonné la confiscation d’un véhicule immatriculé au nom d’une société sans démontrer que le condamné — co-gérant de la société — en avait la propriété économique réelle ou la libre disposition.

👉 Ce qu’il faut retenir :

  • Le juge peut ordonner la confiscation d’un véhicule appartenant à une société si la mauvaise foi du tiers propriétaire (ou la libre disposition effective du véhicule par le conducteur fautif) est démontrée ;
  • En revanche, à défaut de preuve de cette mauvaise foi ou de cette propriété économique réelle, la confiscation doit être écartée (Cass. crim., 4 sept. 2024, n° 23-81.110).

En pratique, lorsqu’un véhicule de société est en cause, le rôle de l’avocat en droit pénal routier sera de vérifier :

  • L’identité du titulaire de la carte grise ;
  • La structure de l’entreprise et les pouvoirs du conducteur ;
  • Les éléments de preuve établissant (ou non) la libre disposition du véhicule.

V. Cas exceptionnel : le refus d’obtempérer et la confiscation de plusieurs véhicules

Enfin, il convient de signaler une exception particulière au principe selon lequel seule la confiscation du véhicule ayant servi à commettre l’infraction est possible.

Dans les affaires de refus d’obtempérer, prévues à l’article L. 233-1 du code de la route, la confiscation peut exceptionnellement s’étendre à plusieurs véhicules appartenant au même conducteur ou au même propriétaire.

Cette faculté découle de la gravité de l’infraction, souvent commise en récidive, et de la nécessité de prévenir tout renouvellement du comportement dangereux.

Par application de cet article, la Chambre criminelle a ainsi admis que les juges du fond peuvent, dans ce contexte, confisquer l’ensemble des véhicules appartenant à l’auteur lorsque cette mesure apparaît proportionnée à la gravité des faits (Crim., 9 juin 2020, n° 19-85.213).

VI. Moyens de défense et conseils pratiques

A La Réunion, la confiscation du véhicule peut représenter un véritable drame social et professionnel : l’insularité, la rareté des transports en commun dans certaines zones de l’île et les distances entre domicile et lieu de travail aggravent les conséquences de la mesure.

Nos stratégies de défense possibles :

  • Contester la proportionnalité : démontrer que la perte du véhicule aurait des conséquences excessives (emploi, santé, famille).
  • Plaider le recours à une mesure alternative, comme la suspension avec éthylotest antidémarrage (EAD).
  • Faire valoir la propriété d’un tiers, si le véhicule n’appartient pas au conducteur.
  • Interjeter appel ou former opposition en cas de décision non motivée ou disproportionnée.

En conclusion : une vigilance accrue dès la première mesure

L’immobilisation ou la mise en fourrière du véhicule constitue souvent le premier maillon d’une chaîne pouvant aboutir à la confiscation définitive.

Anticiper, réagir rapidement et être conseillé par un avocat en droit pénal routier dès ces premiers mesures est donc essentiel pour préserver vos droits.

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