L’éthylotest antidémarrage (EAD) est souvent perçu comme une solution de bon sens pour retrouver rapidement le volant après une infraction d’alcool au volant.
Mais attention : si ce dispositif permet parfois d’éviter une immobilisation totale, il n’épargne pas nécessairement une seconde suspension judiciaire du permis de conduire.
Sans précaution, le conducteur pourrait se retrouver victime d’une véritable double peine.
L’EAD : un dispositif utile mais encadré
Depuis le 1er janvier 2019, le préfet peut, au lieu d’une suspension pure et simple du permis, autoriser le conducteur à continuer à circuler uniquement sur un véhicule équipé d’un éthylotest antidémarrage électronique.
Cette mesure administrative repose sur l’article L. 224-2 du code de la route, et vise à concilier sécurité routière et nécessité de mobilité professionnelle ou familiale.
Les conditions principales pour en bénéficier sont :
- Le conducteur doit être auteur d’une infraction pour alcoolémie délictuelle, soit un taux d’alcool dans le sang supérieur à 0,8 g/l ou 0,40 mg/l d’air expiré.
- Le taux relevé ne doit cependant pas dépasser 1,40 mg/l ou 0,7 mg/l d’air expiré.
- Le conducteur ne doit pas présenter d’antécédents graves (récidive, accident corporel, refus de se soumettre au test, etc.).
- L’installation et la maintenance de l’EAD sont à la charge du conducteur, via un installateur agréé figurant sur la liste officielle.
Attention : la mesure préfectorale ne protège pas d’une sanction judiciaire ultérieure
De nombreux conducteurs pensent – à tort – que la pose d’un EAD décidée par le préfet met un terme à leur affaire.
Or, il s’agit d’une mesure administrative provisoire, indépendante du traitement judiciaire de l’infraction.
Le conducteur reste donc convoqué ultérieurement devant le tribunal, dans le cadre d’une :
- Ordonnance pénale (le plus souvent, car il s’agit d’une procédure simplifiée sans audience, compatible avec les conditions du bénéfice de l’EAD),
- CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité), ou
- Audience devant le tribunal correctionnel.
Le juge pénal conserve alors la faculté de prononcer une suspension judiciaire du permis, ou une interdiction de conduire un véhicule non équipé d’un EAD.
Et la jurisprudence est désormais tranchée :
Les mesures administratives d’EAD et les suspensions judiciaires ne sont pas de même nature, et la durée de la première ne s’impute pas sur la seconde.
(Cass. Crim., 11 mai 2023, n°22-85.301)
En d’autres termes, même si vous avez déjà conduit plusieurs mois avec un EAD, le juge peut ajouter une période de suspension judiciaire sans déduction.
La base légale de cette distinction
Cette position repose sur l’article L. 224-9 alinéa 3 du code de la route, selon lequel :
« La durée des mesures administratives s’impute, le cas échéant, sur celle des mesures du même ordre prononcées par le tribunal. »
Or, la restriction administrative (EAD préfectoral) est une autorisation conditionnelle de conduire, tandis que la suspension judiciaire est une interdiction pure et simple.
La Cour de cassation, comme le Ministère de la Justice (réponse ministérielle du 18 janvier 2022), confirment donc qu’il s’agit de mesures distinctes.

Comment éviter la double peine : les bons réflexes du conducteur
Si vous êtes poursuivi pour alcool au volant, et que vous bénéficiez d’un EAD dans le cadre de la mesure préfectorale, anticipez votre défense judiciaire :
1. Informez votre avocat immédiatement
Signalez-lui que vous avez conduit avec un EAD préfectoral. Cela permettra de préparer un argumentaire pour demander que cette mesure soit prise en compte au stade judiciaire.
2. Vérifiez la procédure choisie (ordonnance pénale, CRPC, audience)
Chaque mode de jugement appelle une stratégie différente. En cas d’ordonnance pénale, par exemple, il faut faire opposition si la peine prononcée ne tient pas compte de l’EAD.
3. Sollicitez une suspension avec EAD judiciaire
Plutôt qu’une suspension simple, votre avocat peut plaider pour une interdiction de conduire un véhicule non équipé d’un EAD (article L. 234-17 du code de la route).
4. Soyez prudent : l’EAD n’efface pas l’infraction
Il s’agit d’une mesure de réinsertion, pas d’une exonération. En cas de récidive, les peines seront aggravées.
En conclusion : bénéficier de l’EAD oui, mais avec une stratégie judiciaire indispensable
L’éthylotest antidémarrage électronique est un outil utile et intelligent mais, s’il est mal géré, il peut se transformer en piège administratif et judiciaire.
Un conducteur prudent doit préparer sa défense dès la phase préfectorale, et s’assurer que l’EAD soit intégré dans la décision judiciaire finale.
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